J'ai repris un travail que j'avais rédigé presque dans une autre vie, je l'ai revu et corrigé. A l'époque j'avais entièrement travaillé "à l'ancienne", avec recherches dans archives et bibliothèques, le tout rédigé à la machine à écrire et illustré par des montages photocopiés. En voici le début mais pour le moment sans illustrations...
J’ai effectué dans les années 90 des recherches sur l’Histoire de ma région axées sur une finalité plus subtile que la pure recherche historique. Ce qui ne m’a pas empêché d’aborder la grande Histoire mais par des côtés très peu connus.
Je n’ai pas cherché à faire une copie d’ouvrages très documentés et érudits précédemment parus, mais de me servir de ces données pour aller au-delà de leur propre signification. Mon travail d’alors a été entièrement effectué à l’ancienne tant dans la rédaction que la frappe des textes ou la reproduction de documents, ne disposant pas à cette époque des facilités modernes de l’informatique, ni de l’immense possibilité de recherches par internet.
J’ai perdu les matrices de mes travaux nettoyées par une crue de la rivière, mais mes mémoires ainsi rédigés ont échappé à la noyade. J’ai donc décidé de me remettre au travail pour reprendre ces écrits, résultats de nombreuses recherches, et parfois du hasard, en informatique. Je ne sais quel en sera le résultat. A l’origine, il y eut une étude principale complétée par des études et ajouts annexes : dans la mesure du possible ces compléments seront intégrés dans la nouvelle rédaction.
Mon voyage me permettra l’approche d’une famille jadis puissante qui a donné des noms à la grande Histoire de France et qui régna pendant plusieurs siècles sur son fief s’étendant au nord du Mâconnais, à l’est des Dombes, au sud au Lyonnais et à l’ouest au Forez : il s’agit du Beaujolais.
Oh bien sûr, de nos jours ce nom n’évoque que ce nectar, redevenu après des années d’efforts, délicieux et dont certains crus sont considérés comme des Bourgognes. Car le Beaujolais ce n’est pas que du Beaujolais nouveau mis en vente en grandes pompes chaque année en Novembre ; car, principe simple, que devient ensuite le vin après être nouveau ? Tout simplement l’un des dix grands crus, du Beaujolais-Villages ou du Beaujolais ordinaire, bien entendu les crus étant millésimés.
Une fois passé cet aparté vinicole, la famille des Beaujeu fut l’un des grandes et anciennes familles de France et fut alliée avec la Royauté : la fille de Louis XI, Anne fut la femme de Pierre de Beaujeu, frère cadet de Jean II de Bourbon et fut régente du Royaume (on lui doit la magnifique Collégiale gothique de Villefranche-sur-Saône construite pour la vierge noire Notre-Dame des Marais).
Les Beaujeu eurent également un grand rapport avec les Croisades : l’un d’eux put même y participer sous la bannière de l’Ordre du Temple bien qu’étant marié avec l’autorisation exceptionnelle des autorités ! Et l’église de Belleville fut à son retour dotée de reliques aux détails assez extraordinaires Et le 21 ième Grand-Maitre de l’Ordre, Guillaume de Beaujeu-Montpensier a donné lieu à d’étranges légendes ainsi que le château d’Arginy situé au cœur du fief. Et je passe volontairement certains détails…
Voilà un peu quelques étapes auxquelles je convierai ceux qui voudront bien me lire. Les interprétations personnelles peuvent amener à des digressions qui en entraînent d’autres, aussi je me garderai bien d’en présenter ici, essayant toujours de suivre le précepte d’Héraclite, le lecteur pouvant se faire une idée par lui-même, compte-tenu des éléments que je propose :
Le dieu dont l’oracle est à Delphes ne révèle pas, ne cache pas, mais il indique.
Avertissement
La présente étude sur les fiefs de la famille des Beaujeu, revue et corrigée à partir de Janvier 2013, n’a ni la prétention, ni la vocation d’être un guide historique et touristique d’une région. De même ce n’est en aucun cas une thèse.
Selon les lignes directrices appliquées dès l’origine à ces quelques recherches, les études réalisées se doivent de présenter les faits avec la plus grande rigueur possible, tout devant être prouvé et vérifié. Nous ne manquerons pas, par contre, de présenter quelques faits rapportés que certains jugeront crédibles ou non, mais cela apportera quelques fantaisies au texte. Il sera également mis l’accent sur certains faits ou points, non pas négligés mais peu abordés ou même méconnus de l’histoire officielle.
Pour cela de nombreuses heures ont été consacrées à des recherches, ce qui a parfois procuré de grands moments d’émotion : ainsi lorsque à la Bibliothèque de Villefranche on m’a amené sur un chariot sorti des archives les cartulaires d’origine de la puissante Abbaye de Savigny (d’où ma famille maternelle est originaire, et où je suis revenu habiter à 5kms au pied d’un certain Clos Landar) : bien entendu, n’étant pas spécialiste en épigraphie et ne connaissant rien à l’écriture onciale, je me suis contenté des traductions déjà parues, mais l’émotion était là.
En raison de la grande multiplicité d’évènements en rapport avec l’histoire de la région, cette étude n’est pas exhaustive, de nombreux ouvrages, dont certains d’une érudition remarquable, ayant été publiés à ce sujet et dont le lecteur trouvera la liste dans la notice bibliographique. Cette étude à l’origine faisait partie d’une série de quatre, les autres étant un mémoire sur une église du Beaujolais, un mystérieux château et une étude sur l’Abbaye de Cluny, dont certains pensent qu’elle fut à l’origines des routes de l’Europe.
Lors de la première présentation de ces études, l’ordinateur personnel n’en était qu’à ses prémices, l’ordinateur portable étant encore dans les limbes, ainsi que, bien entendu, l’internet. Ce qui fait que la totalité des recherches et des rédactions ont été réalisées à l’ancienne. Une rivière est passée par là, noyant, entre autres, la totalité des documents d’origine (illustrations, photographies personnelles) ainsi donc que les matrices de cette étude. Un exemplaire, que nous pourrions baptiser « document Moïse » a été sauvé des eaux, et est donc le point de départ de ce renouveau. Du fait des facilités de l’informatique, la présentation rénovée est donc évolutive et éventuellement il sera donc complété des documents extérieurs trouvés sur internet ; mais un premier temps sera consacré à la reprise du texte seul.
Avant la Préhistoire, la Préhistoire, la Gaule, les Romains
A TOUT VENANT, BEAUJEU !
Telle est la devise de la lignée des Seigneurs qui eurent pour fief un territoire ayant pour axe la rivière Saône au nord de Lyon, bordé au nord par le Mâconnais, à l’est par la Dombes, au sud par le Lyonnais et à l’ouest par le Forez (qui deviendra partie prenante du fief).
Période pré-préhistorique
On ne connait pas avec certitudes les détails historiques officiels antérieurs à 843. Toutefois, il est prouvé que la région a été toujours très fréquentée, tant en lieu de passage que de séjour, depuis les périodes de la plus haute antiquité, et celles bien avant, dites pré-historiques. En effet, de nombreuses fouilles archéologiques ont permis de retrouver des traces précises de l’occupation de la région à ces époques, tant au point de vue « civil » par des habitats, ou « sacré » par des lieux de cultes.
Il faut remonter d’abord aux temps où la Terre était en pleine recomposition des mers et continents. Les Alpes n’existaient pas encore et la mer que nous appelons Méditerranée montait en un golfe allongé en direction du nord, jusqu’au plateau de Langres (Haute-Saône) en amont de Dijon, déposant des sédiments sur les rives qui la bordaient (période jurassique du quaternaire). Le plus grand ichtyosaure fossile connu au monde (11 mètres de long/200 millions d’années) fut d’ailleurs découvert en Avril 1984 à Belmont (de Bélénus) et fait l’objet d’un musée, complété par des individus de l’espèce des dinosaures…D’ailleurs, maintenant, devant ce musée figure la statue d’un dinosaure géant dominant toute la vallée.
Au tertiaire, les Alpes surgissent et font s’écouler les eaux du golfe en direction du sud, formant ainsi la Camargue, ne conservant en son centre qu’un filet d’eau alimenté par des sources et qui deviendra le sillon de la Saône et du Rhône.
De la couronne de caps, de falaises, plages et golfes qui entouraient cette mer jurassique, il ne restait que les côtes, et, curieusement, partout, ces côtes sont devenues des vignobles réputés ayant conservé cette appellation ! Côtes du Rhône, de Saint Péray, de Condrieu, du Beaujolais, du Mâconnais, du Chalonnais, la Côte d’or, et aussi côte du Jura, du Revermont, du Bugey, de Savoie, du Diois, de Provence et du Var : ce phénomène dans les appellations est réellement spectaculaire ! Et on peut se demander si Dionysos/Bacchus n’est pas originaire de la région…
Période préhistorique
Ces lieux furent très tôt choisis par les hommes du fait de la protection qu’ils apportaient par rapport à la vallée et les plaines fertiles qui s’étendaient du nord au sud. L’exemple le plus connu mondialement est celui de la Roche de Solutré et de sa jumelle la Roche vineuse, lieu de séjour situé à la limite nord du Beaujolais, naturellement fortifié qui fut également lieu de sacrifices aux Dieux : des centaines de chevaux sauvages y furent poussés depuis le bas par la pente douce et précipités du haut de la falaise ! Un musée local très riche en fait foi. Et nous y retrouvons la vigne, puisque la région est le lieu de récolte d’un véritable nectar : le Pouilly-Fuissé.
On trouve, outre les fossiles des époques jurassiques (certaines buttes et vignes en regorgent), partout dans le Beaujolais, des instruments de silex taillés tels que des haches, des grattoirs, des couteaux, des viticulteurs ayant même créé des petits musées personnels. On a même retrouvé des habitations dites préhistoriques à Corcelles. Au sommet de la montagne de la Pyramide à Lamure, dominant la vallée d’Azergues (oued zerga, la rivière aux eaux bleues, nom donné par les envahisseurs Sarrazins au VIIIème siècle), se trouve le camp de l’Augel, un véritable nid d’aigle de 92 mètres sur 84 perché à une altitude de 890 mètre ! Quant aux ateliers de taille découverts à Alix et Theizé, les spécialistes les datent du néolithique et notent leur très nette parenté avec des sites analogues du Nord-est de la France voire de Belgique et du Danemark !
Autres vestiges de fréquentation de la région : ceux dits mégalithiques de Vauxrenard, Saint Just d’Avray, Valsonne, Ville sur Jarnioux (en plus de son extraordinaire château), Brouilly (une véritable montagne sacrée dont le sommet a toujours été sacralisé et qui est visible quasiment de partout), Charentay (également connu pour son château d’Arginy, on y trouvait un menhir qui, selon les coutumes populaires, guérissait les maladies, l’église catholique recouvrit finalement le tout par une chapelle : voir détail ci-après) et Theizé (bories de pierres empilées identiques à ceux de Provence).
Certains lieux très anciens sont demeurés dans la tradition orale populaire, tels Avenas (où se trouverait un chêne visible…depuis Lyon ou le Crêt du Py à côté de Villié-Morgon.
Un auteur (à qui j’ai d’ailleurs transmis quelques informations) n’ a-t-il pas intitulé son livre : de dolmens en menhirs, par les routes secrètes du Beaujolais (Serge Barnoud/éditions Eroke/1999) ? Et il existe même un domaine viticole dénommé le domaine du menhir dont le propriétaire, érudit au point de faire des conférences, explique que Gargantua est enterré ici : la tête là-haut à Avenas et les pieds ici dans la vallée.
Période gauloise et romaine
Dans un passé récent, enfin relativement, la région était habitée par les tribus celtes Ségusiaves ( de Ségusia la déesse-mère, épouse de Taranis le maitre du ciel et des combats, grand dieu du panthéon gaulois). Ils étaient alliés au nord avec les Eduens, la frontière entre les deux tribus était l’Ardières, une petite rivière qui prend sa source dans le haut Beaujolais, traverse l’ancienne capitale Beaujeu et va rejoindre la Saône au nord de la seconde capitale Belleville (ancien Ludna). Un spécialiste explique que la toponymie permet de rattacher de nombreux villages et lieux à cette époque.
Du temps de l’empereur César un fait marquant se passe dans la région et il est étonnant que jamais aucun cinéaste n’en n’ait tiré un péplum spectaculaire. En 58 av.jc., le pays est envahi par les Helvètes qui, sous la poussée des Barbares venus de l’Est, décident d’émigrer et franchissent la Saône en une foule incroyable (cela est rapporté par César dans la Guerre des Gaules et a été confirmé par des historiens ainsi que par les fouilles et dragages de la Saône) : une population estimée à environ 350 000 personnes se déplace ainsi traversant la rivière sur un front de 20 kms pendant 15 jours !
Toute la région, et notamment le mont Brouilly, servent de camp retranché, faces aux armées romaines de César puis des combats opposent les émigrants aux légions romaines depuis Saint Didier de Formans (dont le château deviendra par la suite un lieu de silence, transformé maintenant en résidence de grand luxe) jusqu’au haut Beaujolais. Et les combats cesseront après la bataille d’Autun (future grande métropole romaine du nom d’Augustodunum sous l’empereur Auguste et future capitale gallo-romaine des Eduens en remplacement de Bibracte) où les Helvètes furent battus.
Désormais, la pax romana est imposée à toute la région, les Romains s’installent partout, créant des villas, des comptoirs, des casernements, des temples (plus haut au nord dans la région de Beaune -de Belenus- on a découvert un des plus importants Mithraea de Gaule, malheureusement uniquement par les fondations). Egalement ils aménagent les voies et le passage des rivières.
Il est à remarquer que ces voies existaient déjà avant et faisaient partie d’un vaste réseau de communications tracé par les Celtes. J’en ai reçu un état par héritage paternel : il s’agit de la table dite de Peutinger constituée de 11 segments pliables de 62cm sur 34. Ces plans recouvrent tout le territoire de la Gaule et sont d’un enseignement extraordinaire quant aux voies et implantations.
En étudiant la table de Peutinger, il ressort que 14 (!) voies sillonnaient le Beaujolais, ce qui démontre son importance primordiale, voies elles-même en relation avec celle d’une périphérie plus importante et couvrant tout le territoire et plus. Nous emploierons, pour une meilleure compréhension les appellations modernes :Saint Georges de Reneins, gué de Saône au nord de Belleville, était relié avec les routes vers Marseille, Paris, la Grande-Bretagne et la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie. On doit reconnaitre qu’un tel croisement de voies n’est pas commun et que déjà des questions, non exprimées à ce jour, se posent quant à l’importance de la région !
Ainsi, on pouvait aller en Aquitaine par Forum Segusavorum (Feurs d’où le nom de Fourvière serait originaire), rejoindre le Rhin par Matisco (Mâcon) et l’Océan atlantique par Rodona (Roanne). Et cette immense toile d’araignée existait déjà en partie avant la colonisation romaine. Il faut bien avouer que l’on est surpris par une telle chose et qu’il a donc fallu vérifier ces différentes données, donnant ainsi à la région une importance complètement inconnue. On voit encore des portions de ces voies de nos jours et il faut reconnaitre qu’en visiter une en plein cœur d’une forêt est très impressionnant et provoque une certaine émotion.
Période post-romaine
En 177 Saint Valérien, futur décapité à Tournus, essaya d’évangéliser la région et de la convertir au Christianisme, mais il ne put atteindre ni les collines, ni les montagnes, qui gardèrent leurs traditions de cultes dits païens.
L’histoire officielle indique pudiquement que des doutes subsistent quant à la religion beaujolais à ces époques. Même, ces cultes et croyances (que nous retrouvons par exemple dans les célébrations au sommet de la colline de Brouilly, que nous retrouvons dans la construction de l’église d’Avenas, et dans une multitude de sources sacrées) restèrent longtemps actifs dans la région.
Ainsi, un guide touristique du Beaujolais explique au sujet de Charentay (où se trouve un château du nom d’Arginy et dont la tour restante de briques rouges serait de construction romaine) : Au sommet de la colline des Garanches, la Chapelle Saint Pierre est en piteux état. Les pèlerins atteints par les fièvres y venaient le 29 juin (saints Pierre et Paul) prélever des morceaux sur une pierre guérisseuse. La pierre ayant été enterrée sur ordre du Clergé, les pèlerins ne se découragèrent pas pour autant et se mirent à entamer l’autel ! Près de ce sanctuaire, un bloc qualifié de « Grosse Pierre » est toujours debout en dépit des mutilations qui lui ont fait perdre on audacieuse forme primitive. Il fut en effet l’objet d’un culte phallique par les femmes en mal d’enfants, et cela depuis les époques les plus reculées.
La région traversa ensuite une période plus ou moins obscure et agitée, troublée par des invasion successives (les Krokus, les Allamans, les Franks, puis les Sarrazins). Les Sarrazins, chassés selon la légende historique, s’installèrent au Mont Tourvéon (qui sera plus tard, dit-on le séjour du Seigneur Ganelon, voir après) et dévastèrent la région. Egalement apparurent les Hongres qui dévoraient les enfants tous crus (ogres ?) et les Burgondes.