Je réédite Karlfried Graf Dürckheim, car c'est tellement important !
Je me fais un plaisir de rééditer une nouvelle fois cet article tellement la pensée du philosophe de la Forêt noir est importante ! Et l'étude que nous en propose Jacques Castermane en édition de poche est essentielle...(on pourrait même parler de quintessence...)
Je vais essayer de réparer un manque, un oubli, sur ce blog : vous présenter (un peu) Karlfried Graf Dürckheim, surnommé le philosophe de la Forêt noire... Ce n'est pas facile car son oeuvre de Spiritualité et de Sagesse est immense ! Graf en allemand c'est Comte : ses aïeux furent chambellans des Rois de Bavière depuis le XVIII ième siècle !
Je commencerai par une citation présentée par Jacques Castermane dans son livre Le Centre de l'Être paru chez Albin Michel (Spiritualités vivantes) :
Être en accord avec l'Être ne signifie pas être dans un état de perfection. Vouloir atteindre la perfection est une erreur que ne doit pas commettre celui qui est en chemin. Notre vérité est souvent assez misérable, en rapport avec notre idéal.
Être relié à la transcendance ne signifie pas que nous réalisions de manière parfaite "ce que doit être un Homme", mais avoir la force de nous voir dans notre vérité du moment.
La transcendance ne se manifeste pas quand nous dépassons le niveau humain mais précisément là où nous reconnaissons ce milieu humain, lorsque nous reconnaissons notre faiblesse.
Extrait d'un entretien avec Jacques Castermane qui fut l'élève le plus proche du Maître :
N. C. : Graf Dürckheim est reconnu comme étant un maître spirituel de notre temps. il était lui-méme très religieux ?
J. C. : Il faut savoir, lorsqu'on évoque la dimension religieuse de Graf Dürckheim, que sa première préoccupation est l'homme et pas telle ou telle religion. Il est lui-même très clair sur ce sujet : "m'intéresse l'homme dans sa profondeur, dans son Être essentiel". Pour Graf Dürckheim, l'homme est prédisposé à l'expérience de l'Être non pas parce qu'il est chrétien ou bouddhiste mais parce qu'il est un homme ! Il n'a jamais fait l'amalgame entre religiosité et confession religieuse. Lorsque nous avons travaillé ensemble à l'ébauche de mon livre Les leçons de Dürckheim , c'est lui qui m'a proposé d'y insérer son article intitulé "L'expérience religieuse au-delà des religions". Peu lui importait votre appartenance à tel ordre conceptuel ou philosophique, que vous soyez croyant ou incroyant. "N'oubliez jamais que dans notre travail ne doit nous préoccuper que ce que l'homme devient, et pas ce qu'il est. "Lorsque vous me demandez si lui-même était un homme religieux il est clair que je dois répondre oui ! Marie-Madeleine Davy , déjà citée, me disait un jour en désignant Graf Dürckheim qui était avec d'autres personnes "vous avez vu ses yeux ? Des yeux lavés par la grande expérience" ! C'est en ce sens que je réponds par l'affirmative. Il était nourri par ces expériences religieuses qui n'appartiennent à aucune religion particulière. Expériences qui sont au centre de son enseignement. Je l'ai vu accompagner sur ce qu'il appelait lui-même "le chemin vers l'essentiel" des hommes et des femmes de confessions différentes aussi bien que d'autres qui confessaient un athéisme réfléchi. Au fond il s'intéressait à ce qui en chaque personne est au-delà de ces différences tout en acceptant chacun dans sa différence. Il est dommage que certains, bien inconsciemment sans doute, enferment Graf Dürckheim dans leur différence. Respecter sa mémoire exige sur ce plan d'être très conscient.
N. C. : Cet homme religieux est un thérapeute de l'âme ?
J. C. : Un thérapeute de l'homme, de l'homme entier. Graf Dürckheim reconnaît les maladies physiques, psychiques, psychosomatiques et, en regard de celle-ci, les thérapies pragmatiques qui peuvent aider l'homme a retrouver la santé, c'est- à-dire l'état d'équilibre relatif qui précède la maladie. Mais il envisage ce qu'il appelle lui-même la thérapie initiatique sur un tout autre plan. L'homme en bonne santé, sur les plans qui viennent d'être évoqués, peut être malade de ne pas être celui qu'il est au fond. Dans un langage bouddhiste, on dirait sans doute que l'homme est malade de la distance qu'il a prise avec sa vraie nature. Graf Dürckheim parle de la distance qui nous sépare de notre Être essentiel. Les symptômes de cette maladie sont le désordre intérieur, le manque de calme intérieur, le sentiment d'insécurité qui conduit à une angoisse existentielle et aussi, il insistait beaucoup sur ce point, un manque de joie de vivre. Lorsque je dis que ce qui m'a touché lors de notre rencontre est sa façon d'être là, c'est bien de ces qualités dont il s'agit. J'avais là, devant moi, un homme de plus de soixante-dix ans duquel émanait une intense joie de vivre. De sa façon d'être là émanait la confiance, un état de confiance. Et il était calme, en ordre. Enfin il avait du temps, cette denrée si rare aujourd'hui. Non pas qu'il était inactif, au contraire. Il était à la fois un homme du monde, un écrivain, un orateur. Chaque jour il recevait huit personnes. A ces huit heures s'ajoutait l'assise en silence quotidienne. Et c'était ainsi toute l'année ! Lorsque j'évoquais son être là et son faire existentiel il revenait toujours à la dimension de l'essentiel. "L'essentiel est présent au fond de nous-même. C'est la lumière qui traverse le jade. Dès que l'homme est plus transparent à l'Être présent dans son Être essentiel, un premier critère est l'ouverture à une force qui ne le lâche plus. Cette force est à l'origine d'un ordre intérieur qui s'impose de lui-même. Et cette force a son origine et son aboutissement dans l'unité universelle. Vous vous sentez alors bien en vous- même, sans vous enfermer, et ouvert au monde, sans vous y perdre." Lorsque je lui dis qu'il avait bien de la chance, que plus rien ne le touchait, que plus rien ne pouvait lui faire perdre l'équilibre, l'énerver, il sourit et dit : "J'aimerais assez qu'il en soit ainsi ! Mais croyez bien que chaque jour encore il y a quelque chose qui me dérange. Le travail sur le chemin n'élimine pas l'insupportable mais il vous permet de le supporter."
Cet extrait est présenté par un autre blog de Canalblog, pour lire l'entretien dans son entier, cliquez sur le lien : (je vous le conseille très fortement)
http://laplusquevive.canalblog.com/archives/2011/12/29/26019405.html
Jacques Castermane a fondé depuis juillet 1981 le centre Dürckheim à Mirmande dans la Drôme (un pays magnifique de cette Drôme provencale, album photos :http://www.verlatradition.fr/archives/2017/02/22/34967881.html ) un centre très fréquenté depuis donc 30 ans ! Je vous joins également le lien de ce centre :
http://www.centre-durckheim.com/
Comme je le disais au début de cet article l'oeuvre de Karlfried Graf Dürckheim est immense et il faut lire beaucoup pour la découvrir...
Depuis la première parution de cet article il y a 5 ans, j'avais l'intention de reprendre en complément un passage du livre le Centre de l'Etre : et bien depuis un mois je tourne en rond ! Parce qu'il m'est impossible d'en sélectionner un passage unique tellement TOUT y est important ! Tout y est essentiel dans l'essai de compréhension du mécanisme de l'Homme dans son universalité, dans sa globalité (quoique je n'aime peu ce mot devenu...trop à la mode)...
Il n'y a qu'une solution : que le visiteur intéressé lise le livre le Centre de l'Etre ! On peut le trouver vendu neuf ou d'occasion, à défaut j'ai conseillé à un ami de questionner la "source", c'est-à-dire le Centre Dürckheim dont le lien est donné ci-dessus.