Souvenir d'un périple à Notre Dame de Chartres : autour, dedans et dessous...

Parmi de multiples photos je ne vous en présente qu'une seule...au portail nord l'énigmatique et très vénérable Melchisédech, celui qui fit Abraham...(prise avant d'éventuels nettoyages de la cathédrale mais je le sais toujours là...)

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Comme je le fais régulièrement, je reviens sur cet article publié le 24 janvier 2014. En effet ce mystérieux personnage figure par deux fois au niveau du portail nord de Chartres : une fois, nous l'avons vu, sous forme de statue extérieure, mais également sous forme de vitrail intérieur dans la lancette gauche au dessous de la rosace (un peu la même représentation dans le transept nord supérieur de la cathédrale Saint Jean de Lyon, voir photo dans article ci-après : http://verlatradition.canalblog.com/archives/2015/09/05/32586420.html ).

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En dessous se trouve le roi Nabuchodonosor mis en opposition car il fit déporter les Hébreux à Babylone et s'incline devant l'idole en or qu'il avait fait dresser. Voici ce qu'en dit le très érudit Robert Graffin dans Chartres I sis et sept et gal treize or (auto-édité) :

Sous les pieds de Melki-tsédeq (le roi-mage ou le roi-prêtre) est Nabuchodonosor, dont je ne vous ferai pas grâce du nom biblique : Nabou'hadnétsar. Bien que parlant avec l'enfant Daniel (le vase divin) il est censé incarner l'idolatrie ou l'impiété, qu'en d'autres termes on appelle "sujet des Sages" autre surnom de la Vierge !), et qui complète bien Melki-tsédeq, la foi qui est aussi "les quatre éléments et les deux natures".

Robert Graffin fait aussi remarquer que Melki-tsédeq occupe l'extrémité gauche des lancettes, et Aaron frère de Moïse l'extrémité droite. Au reste, leurs noms sont écrits en toutes lettres dans ces vitraux d'origine, ainsi qu'étaient écrit les noms ou les fonctions sur les phylactères qu'on trouve sculptés un peu partout, avant de de bonnes âmes n'en effacent les peintures.

Ayant passé beaucoup de temps à étudier ce personnage de Melchisédech, notamment à partir du livre de Jean Tourniac Melkitsédeq ou la Tradition primordiale (Dervy) qui est une véritable bible sur le sujet, je pensais, comme d'autres, avoir en main les éléments le concernant. Or il n'en n'est rien car depuis je l'ai retrouvé en de nombreux écrits non répertoriés, dont certains en parutions que je qualifierai de confidentielles (hors de toute étude ou enseignement au sein de groupements initiatiques) ; il est à remarquer que le même phénomène s'est produit et se produit encore en ce qui concerne Maitre Philippe de Lyon et ses amis comme Papus, d'ailleurs un érudit de la mouvance, Emille Besson, a écrit sur le sujet, on croit savoir...et pourtant ! Peut-être cela m'a échappé dans le livre de Tourniac, mais je l'ai retrouvé dans des textes constitutifs de la Gnose. Et bien entendu j'exclus tous les délires perpétrés par les nouvelâgeux pour qui le personnage est devenu un héros.

De même il m'est arrivé plusieurs fois de le rencontrer dans plusieurs représentations iconographiques ; ainsi à Lyon nous avons vu qu'il domine le bas-côté nord (en général réservé à l'Ancien Testament) du haut du bras nord-est du transept (au dessus de l'horloge astronomique). Mais il figure aussi sur le côté sud de l'autel de la merveilleuse Abbaye d'Ainay (je laisse chacun aller la ressentir) :

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surmonté d'un très impressionnant luminaire

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(merci Hélène pour les deux photos, car lors de mon passage le luminaire était éteint)

 

(voir également en colonne de droite mon album photos sur la tapisserie de l'église de Chalon sur Saône)

Extrait d'un très ancien atlas en ma possession,

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Je me contenterai d’aborder ce divin personnage à partir des écrits dits bibliques : en effet, on s’aperçoit que tant et tant a été écrit à son sujet par de nombreux commentateurs qu’il faut bien prendre garde à ne pas se disperser, même si beaucoup de réflexions sont forts intéressantes quant à la Tradition.

Il est connu, et cela d’un commun accord, que la première référence à Melchisédech (j’adopterai cette orthographe face à la multitude de façons différentes) est citée dans la lettre (ou épître) aux Hébreux attribuée le plus souvent à l’apôtre Paul (car elle ne comporte pas officiellement de nom d’auteur), mais cette thèse paulinienne ne supporte pas plusieurs contradictions ; en règle générale on considère maintenant qu’elle a pu être écrite sur les instructions de Paul. La plus ancienne version que l’on en possède date d’environ l’an 200 après l’anno domini ; elle s’adresse aux Judéos-Chrétiens c’est-à-dire aux Chrétiens issus du Judaïsme. Et n’oublions pas également le psaume 110.

La première référence ? Et bien non ! Car l’épitre aux hébreux est la copie d’un passage du Livre de la Genèse chapitre 14 versets 18, 19 et 20 :

Melchisédec, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin. Il était prêtre du Dieu Très haut. Il bénit Abram, en disant  : Béni soit Abram  par le Dieu Très Haut, créateur des cieux et de la terre ! Et béni soit le Dieu Très Haut , qui a livré tes ennemis entre tes mains !. Alors Abram lui donna la dîme de tout.

Nous savons que ce texte est forcément beaucoup plus ancien que l'épître dite de Paul puisque le Livre de la Genèse a pour origine les textes de la Torah largement antérieurs (entre le VIII et II ièmes siècles avant JC) à l’année que nous appelons par convention anno domini, et qu’ils sont eux-mêmes issus de traditions orales encore plus anciennes ! Nous avons donc ainsi la preuve de la très ancienneté du personnage (personnage historique ? fonction ? entité ? collège initiatique ?) et cela bien avant la Chrétienté …Il est à remarquer que Abram conserve alors son ancien nom, celui qu’il avait avant, à l’âge de 99 ans de recevoir de Dieu celui d’Abraham, marque de son alliance perpétuelle.

Je ne reviendrai pas sur le texte de l'épître aux Hébreux qui mériterait une lecture beaucoup plus approfondie que celle qui en est faite habituellement : elle place réellement Melchisédech au- dessus de tout et de tous (chapitres 5, 6 et 7) avec une explication longue et précise du Grand Prêtre du Très Haut pour l’éternité, alors que l’on se contente d’en citer seulement une ou deux phrases !

Cette notion de Melchisédech était donc fort importante et peut-être même capitale puisque nous la retrouvons aussi dans des documents qui n’ont pu être manipulés : dans les rouleaux dits gnostiques de Nag Hammadi  et dans les manuscrits dits esséniens de Qumran !

A Qumran (le Maitre de Justice etc…) le manuscrit portant la cotation 11QMelch est titré et consacré à Melchisedeq.

Quant à Nag Hammadi, le codex coté IX comporte trois traités : Melchisedek, Noréa et le Témoignage de Vérité. D’après les spécialiste le traité Melchisedek aurait été composé en Egypte vers la fin du deuxième siècle.

(références de mes recherches : les cahiers de l’Evangile de février et octobre 1987/ texte du Livre de la Genèse version synodale de la Sté biblique de France 1948)

Ainsi, de telles informations échappent à toute exégèse puisque puisées directement à la source des écrits anciens (et même au-delà) et permettent une réflexion échappant ainsi à toute interprétation.

Comme d'habitude, voir également les commentaires afférents...et le sujet est tellement vaste, sans parler des exégèses plus ou moins récentes, qu'il nécessite un autre article en cours de rédaction (publié le 27 aout)

réintégration d'un commentaire

Il faut préciser que dans la liturgie catholique actuelle, Melchisédech est cité régulièrement deux fois : 1/dans l'ordination du prêtre consacré selon l'Ordre de Melchisédech 2/et beaucoup plus souvent dans l'ordinaire de la Messe ! En effet il fait partie intégrante de la prière eucharistique dite n°1, lors de la Consécration : Et comme il t'a plu d'accueillir les présents d'Abel le Juste, le sacrifice de notre père Abraham, et celui que t'offrit Melkisédek, ton grand prêtre, en signe du sacrifice parfait, regarde cette offrande avec amour et, dans la bienveillance, accepte-là. Donc cela n'est pas un secret puisque notre héros du jour est cité dans le rituel de la Messe ! Ce qui est, il faut le reconnaitre, une reconnaissance de son importance !