L'Apocalypse de notre temps (dans la Russie impériale)
Mais non, mais non il ne s'agit pas de l'actualité (ajout de 2020)
mais je vous propose de revenir sur un livre historique épais (569 pages) et richement documenté écrit par Henri Rollin (5ième édition Gallimard 1939).Un brillant officier actif des Services de Renseignements français et qui, à ce titre, a eu accès à de très nombreux documents.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Rollin_(militaire)
L'entrée Wikipédia souligne que son livre a été systématiquement raflé et détruit par les nazis, un seul exemplaire subsistant ; et bien non, il en restait un autre caché dans une bibliothèque militaire et que je possède ! (Cercle des Officiers ...à Alger !)
Cet ouvrage ne se consacre pas uniquement à la propagande allemande, comme le dit le sous-titre, mais évoque en un vaste panorama les dernières années de la Russie impériale. Et donc un chapitre entier est intitulé : deux Français à la Cour de Russie. Pour ceux qui ont l'habitude de ce blog ont tout-de-suite compris qu'il s'agissait du duo Gérard Encausse (Papus)/ Nizier-Anthèlme Philippe (Maitre Philippe de Lyon), cela a déjà été évoqué rapidement ici-même.
Les sous-titres du chapitre sont les suivants :
le mage Papus/le guérisseur Philippe/du palais de Compiègne à Tsarskoïe-Delo/révélations et prophéties sur la Russie/l'intervention du chef de la police secrète russe à Paris/son influence à l'Elysée et à Saint Pétersbourg/sa disgrâce/Papus, Philippe et les protocoles des sages de Sion/rancunes et vengeances/l'assassinat du ministre de l'intérieur Plévé/la mort de Philippe.
Plusieurs de ces points on déjà été évoqués sur ce blog, il suffira au lecteur intéressé de s'y reporter à l'aide des tags figurant en colonne de droite ou en posant un mot dans la fenêtre rechercher (colonne de droite en dessous des albums photos).
Nous allons examiner quelques passages de ce chapitre : (ces quelques extraits issus d'un ouvrage de 569 pages donnent envie d'en lire plus...)
...Au cours de ses voyages en Russie, Papus fonda à Saint Pétersbourg une loge martiniste dont le Tsar était, dit-on, le Supérieur Inconnu. En tous cas, de très hautes personnalités en faisaient partie et on peut penser que le Tsar et la Tsarine entretenaient avec Papus des relations intimes et confiantes puisque nous avons pu voir dans ses papiers une feuille de papier blanc portant les signatures du Tsar, de la Tsarine et du Président Félix Faure.
le docteur Czynski Czeslaw (Punar Bhava) Souverain délégué général de l'Ordre Martiniste en Russie
cette illustration est extraite de l'ouvrage de Philippe Encausse publié en 1949 :
ainsi que :
Papus avait fait connaitre à ses adeptes russes un autre thaumaturge qu'il reconnaissait comme son "Maitre spirituel", Philippe, de Lyon. On a beaucoup parlé de Philippe depuis que la chute du régime impérial a mis en lumière le rôle de Raspoutine dont il fut le prédécesseur dans la confiance du couple impérial. Toutefois, sans relever en détail les multiples inexactitudes qu'ont fidèlement répétées la plupart des historiographes de la famille impériale ou de Raspoutine, on peut estimer que la personnalité de Philippe a été singulièrement déformée aussi bien par ceux qui, à l'époque, cherchèrent à le discréditer, que par ceux qui, par-dessus sa tête, voulaient atteindre l'empereur et l'impératrice.
...le thaumaturge (Philippe) dut renoncer à ses études (de médecine) et recourir au procédé classique de prendre un assistant diplômé, un homéopathe polonais, le docteur Steinski d'abord, puis le docteur Lalande que lui avait recommandé Papus et qui devint son gendre et son disciple le plus dévoué.
Son aspect était fruste et jovial, front découvert, yeux bleus, teint frais, une forte moustache brune tombante, des épaules carrées, une corpulence assez forte. Toutefois, ceux qui l'approchaient s'accordaient à lui reconnaître une autorité surprenante. A un regard impressionnant d'une extraordinaire douceur, il joignait une pénétration rare. Le son de sa voix, la bonté ferme de son sourire, reflet de secrètes lueurs, la nature de ses propos, l'enveloppement de ses gestes les plus simples, en un mot son charme irrésistible, mettaient ses interlocuteurs à sa merci. Nul mieux que lui ne savait convaincre, consoler, parer l'avenir des espoirs les plus apaisants...
...Mieux encore que celle de Papus, l'influence de Philippe sur Nicolas II et l'impératrice Alexandra s'explique fort bien. Il domine par sa puissance de suggestion cet autocrate qui n'ose regarder en face ses ministres et cette malheureuse femme plus menacée par les intrigues de cour que par les complots des révolutionnaires...
...Ce fut au palais de Compiègne , en septembre 1901, que Philippe fut introduit auprès de l'empereur Nicolas II et de l'impératrice Alexandra, à la suite, selon Papus, d'une indiscrétion d'un Martiniste qui leur avait parlé du thaumaturge. Bien que le docteur Maniguet, après M.Bricaud, attribue au grand-duc Vladimir cette prise de contact, les documents russes concordent tous (mémoires de Witté -également dans ma bibliothèque- journal de Polovtsev) avec les souvenirs de M Paléologue pour en faire porter la responsabilité sur les deux Monténégrines, la grande-duchesse Militza, épouse du grand-duc Pierre Nicolaïevitch, et sa soeur la princesse Anastasia Romanovski, duchesse de Leuchtenberg, épouse du grand-duc Nicolas Nicolaïevitch...
...A chaque fois que Philippe fut attaqué, Papus, combatif et ardent, se dressa pour le défendre...
...D'après ce qu'avait assuré au général Spiridovitch (ancien chef de la sûreté personnelle de l'empereur qui avait pris la défense de Philippe calomnié) un Russe très honorable, de vieille noblesse et occupant un poste en vue, Philippe était l'ennemi du spiritisme et défendait rigoureusement à ses amis de s'en occuper, disant même que c'était un grave péché que de s'y livrer. Il réussit même, parait-il, à convaincre un grand-duc fervent adepte du spiritisme, d'y renoncer pour toujours.
Henri Rollin évoque alors l'article malveillant que Pierre Mille publia dans le Temps du 23 novembre 1904 et où Papus prit de nouveau la défense de son Maitre spirituel, ce qui poussa Pierre Mille à devoir rectifier son interprétation fantaisiste dans le Temps du 8 décembre de la même année. Suivent de nombreuses péripéties engagées tant par l'impératrice-mère, le général Hessé, commandant du Palais, le fumeux Ratchkovski, chef de la police secrète à l'étranger de la Russie impériale, âme de tous les complots, et du Comte Witté premier ministre. Tous ces personnages avaient un but en commun : inquiets de l'ascendant que Philippe prenait à la Cour, ils voulaient s'en débarrasser par tous les moyens. Ils trouvèrent un allié inattendu dans les milieux révolutionnaires qui voulaient ainsi discréditer le Tsar : "et le Tsar russe dans le labyrinthe de son palais, attend la lumière d'un occultiste international quelconque que l'on a glissé auprès de lui".
Piotr Ivanovitch Ratchkovski, chef de l'Okhrana à paris
Et même après la disgrâce de Philippe et son retour en France, les rumeurs continuèrent : " Philippe, expulsé de Russie, n'avait pu supporter sa disgrâce et en serait mort de chagrin. Rien de plus faux. L'impression si forte qu'il avait produite à Compiègne sur le Tsar et la Tsarine ne fut jamais altérée en dépit de tous les bruits que firent courir ses adversaires dans la presse de l'époque et que nombre d'écrivains ont repris à leur compte. En particulier, Philippe et Papus ne furent jamais expulsés de Russie...
...pour ne pas paraître tout en ignorer, on inventait potins sur potins, fable sur fable, que colportaient avec joie les ennemis de l'Impératrice...et de ceux qui la détestaient pour sa simplicité de vie; ses affections trop exclusives, ce manque de sociabilité, cette apparence hautaine, cette froideur, ce mutisme qui n'étaient que les manifestations d'une insurmontable timidité accentuée par ses angoisses de mère et d'épouse.
Sous la pression de l'Eglise orthodoxe et en particulier du confesseur de l'Impératrice, Mgr Théophane, le même qui allait introduire Raspoutine à la Cour, le couple impérial renonça à faire revenir Philippe au Palais après le deuxième voyage qu'il fit en Russie en 1902.(au sujet de Mgr Théophane : complètement démenti avec documents : http://orthodoxievco.net/ecrits/vies/theophane-poltava/10.pdf
La famille impériale n'en entretint pas moins une correspondance active avec le guérisseur lyonnais. Une lettre dans laquelle le souverain sollicitait de Philippe les conseils que Dieu lui inspirait et la réponse de Philippe à Nicolas II étant arrivées décachetées, tandis que les télégrammes, échangés par voie indirecte, étaient déchiffrés par la police française, une entrevue à Lyon entre l'Empereur et la guérisseur fut même envisagée (source : Schewaebel)...
...Ratchkovski comptait, tant à la préfecture de police qu'à la Sureté générale (de Paris), et dans la presse, des amis fidèles qui partageaient ses haines ...Philippe, dès son retour à Lyon, ne connut plus de repos...il est traqué jusque dans l'intimité de sa vie familiale. M.Joseph Schewaebel s'est fait l'écho de ses plaintes, de ses récriminations contre une surveillance qui, pour lui, finissait par devenir une hantise. Lettres décachetées, télégrammes interceptés, hommes soupçonneux rôdant sans cesse autour de son domicile (35 rue Tête d'Or à Lyon), notant les personnes qui venaient le visiter, compagnons de voyage tenaces chaque fois qu'il se déplaçait de l'Arbresle à Lyon, rien ne manquait. Philippe était en proie à des crises d'excitation violente, suivies d'un abattement complet.
Au cours de ces crises, il laissait échapper devant ses intimes les secrets qu'il avait le mieux gardés jusqu'alors. C'est ainsi qu'il raconta les circonstances de la disgrâce de Ratchkovski. Alors qu'il était encore à Saint Pétersburg, ce policier, disait-il, avait fait parvenir à Nicolas II un dossier immonde sur son compte...
...il avait donc eu recours au grand-duc Nicolas, et, disait-il, la disgrâce de son ennemi avait immédiatement suivi. Un télégramme du guérisseur témoignait du reste de sa reconnaissance : "remerciements du plus profond de mon coeur d'avoir mis un terme aux agissements de ce misérable. Grâce à vous, je puis sortir de chez moi librement. Très reconnaissant et respectueux serviteur."...
...en novembre 1904 (faux ! le 29 aout) Philippe perdit sa fille unique (avant il y eu Albert-Benoit : 1880/1881) qu'il adorait. Ce fut un coup terrible. Il se sentait de plus en plus souffrant. Il s'échappait pendant des semaines entières à Paris puis il se confina dans sa maison de campagne le clos Landar à l'Arbresle, ulcéré par la surveillance policière dont il était l'objet ainsi que par une campagne qu'un journal parisien du matin avait entrepris contre lui...
Voilà donc quelques passages fort intéressants de ce livre. Serge Caillet, dans son ouvrage très détaillé Monsieur Philippe, l'Ami de Dieu, donne de nombreuses informations quant aux échanges entre la Cour impériale et Philippe revenu à Lyon, notamment sur l'organisation qu'il dut mettre en place pour échapper aux vindictes policières tant françaises que russes.
Sur la vie au Palais impérial (essentiellement la Garde) de Saint Pétersburg sous le règne de Nicholas II voir avec de superbes illustrations :
http://meshistoiresdautrefois.hautetfort.com/archive/2012/02/02/la-garde-imperiale-russe.html
Et si voulez voir notre héros en BD :
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