Hugo utilisé abusivement... Avec étude sur l'appellation ancienne de l'Arbresle...
Je n'ai eu de cesse de dénoncer une affabulation concernant l'Arbresle et je réédite cet article devant la persistance d'une utilisation abusive de Victor Hugo.
Il y a de nombreuses années, le tout premier livre que j'ai acheté concernant Monsieur Philippe et l'Arbresle était une biographie présentant de nombreuses photos ou documents.
Dans ce livre est présenté en encadré le poème suivant de Victor Hugo :
Va cueillir, villageoise,
La fraise et la framboise
Dans les champs, aux beaux jours.
À huit milles d’Amboise,
À deux milles de Tours,
Le château de l’Arbresle,
Roi de ces alentours,
Se dresse avec ses tours,
Ses tours et ses tourelles.
Va cueillir aux beaux jours
La fraise et la framboise,
À huit milles d’Amboise,
À deux milles de Tours,
C’est là que sont les tours,
Les tours et les tourelles
Du château de l’Arbresle
Bien connu des vautours.
Il faut être vraiment nul en géographie pour situer l'Arbresle, dans le rhône, à 8 milles (= 8 x 1609 mètres soit 12kms872) d'Amboise et à 2 milles de Tours (=3kms218)...à moins que...l'on prenne le lecteur pour un imbécile.
D'autres lecteurs, avec lesquels j'ai discuté, ont comme moi beaucoup apprécié une telle réputation chez ce géant de la Littérature. Sauf que...ce passage n'est qu'un court extrait d'un très long texte de Victor Hugo, écrit selon mes sources en 1876 et publié dans l'ouvrage post-mortem intitulé Toute la Lyre, en voici la présentation dans l'édition originale :
Il est à remarquer que :
1/Hugo écrit le chateau de l'Arbrelles
2/il le situe en Touraine non loin de Tours et d'Amboise.
Il écrit, certes, dans Guerre aux démolisseurs, connaître dans la région de Lyon le chateau de l'Arbresle, cette fois avec l'orthographe que nous connaissons...mais lors d'un voyage en 1825 alors que son poème sur l'Arbrelles date de 50 ans plus tard ! Une tentative de justification existe mais la démonstration ne tient pas : il connaît l'Arbresle près de Lyon en 1825 et écrit sur l'Arbrelles près de Tours en 1876 ! D'autant plus que le domaine de l'Arbrelle existe bien...à côté d'Amboise ! Le nom de la ville où se trouve le Clos dit Landar aurait pu changer...sauf que, regardons par exemple le début du registre des naissances de 1800 :
(la recherche a été également menée sur les registres de 1820 et 1824, le cadastre de 1828 et sur le recensement de 1836 : les résultats sont identiques)
chemin de fer de 1886
D'autre part, la toponymie des lieux nous explique que l'Arbrelle vient de petit arbre tandis que l'Arbresle vient de l'antique Arborosa. Il apparaît bien alors, à l'aide de tous ces documents que l'on ne peut attribuer le texte de Victor Hugo à l'Arbresle dans le Rhône...il faut reconnaître que c'est dommage...
De plus, tout le monde sait l'importance que le chateau d'Amboise eut pour Louis XI et sa famille où ils vécurent. Et en confirmation du texte original de Victor Hugo qui parle avec netteté de la région d'Amboise et de Tours, il n'est donc pas étonnant et même fort logique que le-dit souverain ait évoqué l'Arbrelle dont le domaine se trouvait à Amboise, n'en déplaise à des historiens farfelus.
Par contre, et là surprise (!!!) en 1269 on est loin de l'appellation Arborosa proclamée par les historiens locaux : lors d'une visite épiscopale traduite et republiée par la suite, on lit que l'Evêque Eude Rigaud parle d'un voyage à La Braelle, note de bas de page sur la Bresle, et il n'y a pas de doute sur la région puisque le voyage se complète par un visite de Thizy puis de Marcigny.
cela est d'ailleurs confirmé par des cartes anciennes
en 1660 :
en 1780 :
ce qui sous-entendrait que l'étymologie Arborosa serait inexacte !
J'ai l'espoir que cette origine Arborosa puisse être confirmée, toutes preuves à l'appui !
(les dictionnaires de toponymie et d'étymologie citent Arbois provenant de Arborosa)
Heinrich Schönbrunner part pour Compostelle en 1531, accompagné de deux amis de Lucerne, de leurs domestiques et d'un moine (une véritable expédition !) : il a raconté cela en 1531 par le Voyage par mer à Compostelle. L'expédition a accompli le voyage de retour par plusieurs régions de la terre de France. Et il écrit :
Nous partîmes donc pour Poitiers, nous fîmes ferrer les chevaux et traversâmes le Limousin. Il y a là beaucoup de villes et de châteaux. Ensuite nous arrivâmes vers Argenton puis vers Châteaumeillant, et de là vers Bizeneuille, puis vers Varennes sur Allier, Lapalisse, La Pacaudière. Près de Roanne il faut traverser un fleuve, vers l'Arbresle, et ensuite vers Lyon, qui est une grande ville commerciale.
(Les Voix de Compostelle/Editions Omnibus)
Il serait, bien entendu, intéressant de consulter le document d'origine écrit en Allemand, mais nous avons encore là une preuve de l'existence de L'Arbresle en 1531, citée donc considérée comme une étape connue sous ce nom.
Et le numéro 9 du si agréable et passionnant mensuel gratuit (juillet 2015) Autrefois, vient confirmer ce qui précède en publiant extrait de l'Almanach de Lyon de 1760 !!!
Il y est bien précisé : Arbrella, et par corruption La Bresle petite ville murée dans le Lyonnais...etc ; d'ailleurs la suite (et le reste du journal) y est fort intéressante...ce qui confirme, en effet, exactement ce que j'ai proposé ci-dessus)
http://www.journalautrefois.com/
et comme d'habitude je conseille la lecture des commentaires qui est fort instructive et bien représentative des réactions au sujet de l'utilisation abusive de ce poème
réintégration de commentaires significatifs car cet article est particulièrement fréquenté :
1/Comme à l'habitude, enquête fouillée, conclusion sans appel. Victor Hugo n'avait pas besoin de l'Arbresle dans le Rhône mais apparemment il y a quelque intérêt à avoir besoin de Victor Hugo à l'Arbresle. Erreur pas admissible pour la personne qui a écrit car manque de sérieux dans la recherche ou pire, tromperie à mes yeux.
Conclusion, oui, c'est dommage... mais...pour l'auteur et sa crédibilité et pour les lecteurs trompés et ignorants...mais....eux, de bonne foi....
2/Mais oui, c'est vrai, c'est même évident ! Et il n'est pas besoin de réfléchir longtemps pour constater raisonnablement que ce poème n'a aucun rapport avec la ville de l'Arbresle dans le Rhône, car sa situation géographique est décrite avec précision, près de Tours et d'Amboise ! Un tel procédé est inqualifiable et comment a-t-on pu berner à ce point les lecteurs ? Peut-être s'en sont ils rendus compte mais la possibilité de commentaire n'existe pas pour un texte publié et...acheté !
3/Et oui hélas, et si encore il n'y avait que cela ! Plusieurs "anomalies" de ce genre ont déjà été évoquées sur ce blog, et encore...pas toutes ! En effet il est trop facile d'affirmer (oralement) ou de publier (par écrit) des choses pour lesquelles des contredits ne sont pas possibles pour les auditeurs ou les lecteurs. Cela laisse supposer des motivations cachées et pas honnêtes. Surtout qu'en grattant bien le vernis de la respectabilité obtenue ainsi...
J'ajoute, hors des commentaires, que ce procédé semble être devenu un bon commerce en ce qui concerne l'Arbresle ; en effet au moins 3 autres anomalies avérées de ce genre parsèment des propos tenus sur son histoire, outre, bien entendu, les erreurs ou polémiques, concernant la vie du héros municipal Monsieur Philippe et cela sans parler des témoignages de personnes décues ou de photographies donnant lieu à contestations.
reproduction d'une gravure de 1450 : on lit bien La Bresle (en bas à droite)